samedi 13 mai 2017

Interview : Fred Pallem à la tête de Grands Formats

Big (band) is beautiful

Crédit : lesacre.com

A la tête de son éclectique Sacre du Tympan depuis bientôt vingt ans, le chef d’orchestre et compositeur Fred Pallem s’y connaît en musique taille XXL. Ça tombe bien : il vient de prendre la présidence de Grands formats, la fédération des grands ensembles de jazz et de musiques improvisées. L’occasion pour Ca c’est du jazz de tailler une bavette avec le nouveau patron.
  
Ca c’est du jazz. Pour ceux qui l’ignoreraient, peux-tu rappeler ce qu’est Grands formats, et surtout à quoi ça sert ?

Fred Pallem. C’est une fédération d’orchestres qui regroupe des gens qui aiment faire de la musique en grande formation, avec un minimum de huit musiciens. L'objectif est de défendre leurs créations.

CCDJ. Pourquoi faut-il les défendre ?

FP. Fédérer les artistes, cela leur permet de peser un peu plus lourd vis-à-vis des institutions. Imaginons que l’Etat ait besoin de distribuer de l’argent pour la musique. Ce sont des choses qui arrivent (rires). Le ministère va convoquer les syndicats, les fédérations de directeurs de salles, de producteurs, d’éditeurs… Et les artistes vont faire la gueule parce qu’ils ne seront pas conviés… Mais c’est normal, parce qu’ils ne sont pas fédérés ! Grands formats veut donc jouer ce rôle d’interlocuteur vis-à-vis des différents partenaires.
CCDJ. L’enjeu, c’est d’aller chercher des subventions ?

FP. Attention : ceux qui arrivent à Grands formats parce qu’ils pensent qu’ils vont avoir plus de subventions et de concerts, ça ne sert à rien qu’ils viennent ! Mais c’est vrai que les musiciens qui jouent en grande formation sont confrontés plus directement à des problèmes de financement. Un artiste solo fonctionne avec un manager, un éditeur, un tourneur, et il peut faire sa création. Un orchestre doit se structurer, monter une asso ou une boîte, chercher des fonds, faire une compta… Fatalement, ça coûte plus cher. Mais il faut relativiser : pour une scène nationale, par exemple, faire venir une grande formation n’est pas plus onéreux que de faire venir une compagnie de théâtre.

CCDJ. Du coup, ce sont les programmateurs qu’il faut sensibiliser ?

FP.
Oui. Nous sommes bientôt une cinquantaine d’orchestres professionnels. Cela représente entre 700 et 1000 musiciens par an, plus de 200 concerts… C’est beaucoup ! C’est une grosse force de proposition artistique. Les programmateurs ne peuvent plus passer leur temps à programmer des quintets et des trios. J’adore le trio piano-basse-batterie, mais je ne peux pas écouter que ça. C’est comme si je ne mangeais que des pâtes et du riz : ce ne serait pas bon pour ma santé auditive. Si on ne défend pas la musique en grande formation, il n’y aura plus que des trios, et le public va s’emmerder.
 
Passage de relais entre Fred Maurin et Fred Pallem (crédit : http://www.grandsformats.com)
CCDJ. Comment ton histoire avec Grands formats a-t-elle débuté ?

FP. Je suis membre de Grands formats depuis le début, en 2003. A l’époque, c’est Patrice Caratini qui m’avait appelé. Le Sacre du Tympan était alors l’un des seuls orchestres de jeunes de l'association. Je jouais le rôle de représentant des nouvelles générations, mais je ne comprenais pas forcément ce que je faisais là. Au fil des années, je me suis de plus en plus impliqué dans le côté extra-musical de mon orchestre, et donc aussi dans Grands formats. J’ai progressivement compris qu’il était important de se fédérer. Quand Fred Maurin, le chef d’orchestre de Ping Machine auquel je succède, a décidé d’arrêter, le Conseil d’administration m’a proposé de prendre la présidence. Je ne m'étais pas présenté, mais je ne pouvais pas leur dire non. J’étais touché, et surtout, je savais qu’on est tous dans le même bateau, qu’on doit tous mettre les mains dans le cambouis. Il faut bien un interlocuteur, on ne peut pas aller à un rendez-vous au ministère à cinquante !

CCDJ. Quel est ton programme pour ce mandat de président de Grands formats ?

FP. Grands formats est en train de changer. Nous sommes longtemps restés autour d’un effectif de dix ou quinze orchestres, mais ce nombre a beaucoup augmenté au cours des dernières années, avec notamment pas mal d’orchestres de jeunes. Je voudrais essayer de continuer à élargir le spectre musical, pour ne pas limiter Grands formats au jazz. Je voudrais aussi limiter les clivages, notamment celui entre les vieux et les jeunes. Voilà pour la cuisine interne. Pour ce qui est de l’externe, j’aimerais mettre l’accent sur la communication : les institutionnels savent qui nous sommes, mais pas forcément les musiciens. Et enfin, j’aimerais travailler sur l’aspect international, avec un projet de fédération étendue à l’échelle européenne.

CCDJ. Tout cela risque de te prendre du temps. Est-ce que tes projets musicaux ne vont pas en souffrir ?

FP. Je n’ai pas l’intention de me taper tout le boulot (rires) ! Je ne suis que la figure de proue, tout le monde va mettre la main à la pâte. Fred Maurin a fait un boulot titanesque, j’ai prévenu le conseil d’administration que je ne pourrai pas faire la même chose. Je vais déléguer beaucoup plus, et je vais continuer à faire de la musique : j’ai plein de projets en cours et des disques qui arrivent !

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